Mais il faut vous contenter. Voici du luxe, de l’élégance, du loisir, des pensées hautes et ambitieuses, d’ardentes passions. Contemplez et jugez.
Les Demoiselles de la Seine : titre dépourvu de sens, parfaitement imaginé pour tuer une œuvre. La Seine n’a rien à faire ici ; on ne la découvre seulement pas. L’auteur a voulu dire : Deux jeunes personnes à la mode, sous le second Empire. Mais ce titre aurait paru séditieux ; on ne le pouvait permettre. Notez cependant que l’Empire ne sert à désigner ici qu’une date ; de même que la Seine indique, par synecdoque, la civilisation parisienne. C’est tout ce qu’il y a de politique dans le tableau de Courbet.
Sous le premier Empire, à quoi songeaient les jeunes filles ? Je suppose qu’en 1812 cette idée fût venue à un peintre, comme elle est venue de notre temps à Courbet. Il aurait peint ses deux figures pleurant, comme les Troyennes de l’Énéide au bord de la mer ; lisant le bulletin de la Moskowa ou celui de la Bérésina ; pâles et amaigries, comme il convient à des demoiselles en train de coiffer sainte Catherine, et portant dans leur cœur le deuil de leurs amoureux. Grâce au ciel, nous n’en sommes pas là. Napoléon III a fait de grandes guerres ; il a livré de grandes batailles ; il a remporté de grandes victoires : on ne peut pas dire qu’il ait fait rareté d’hommes ; et si l’on épouse moins aujourd’hui, si la population semble di-