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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

minuer, cela tient à d’autres causes. Nos idées ainsi que nos mœurs ont pris une autre direction. C’est ce que vont nous apprendre les deux figures qui posent là devant nous, sans qu’elles s’en doutent, et que le livret a appelées Demoiselles de la Seine. Demoiselles, oui ; car elles ne sont ni mariées ni veuves, cela se voit du premier coup ; elles ne sont pas même promises, peut-être par leur faute, et c’est pourquoi vous les voyez plongées dans leurs réflexions.

La première est une belle brune, aux traits accentués, légèrement virils, de ces traits qui donnent à une femme de dix-huit à vingt-deux ans des séductions sataniques. Elle est étendue sur l’herbe, pressant la terre de sa poitrine brûlante ; ses yeux, à demi ouverts, nagent dans une érotique rêverie. C’est Phèdre qui rêve d’Hippolyte :


Dieux ! que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !


C’est Lélia qui accuse les hommes des infortunes de son cœur, qui leur reproche de ne savoir pas aimer, et qui cependant repousse le timide et dévoué Sténio. Au premier abord, le sentiment qu’elle vous inspire est celui d’une pitié mêlée de crainte. On a une peur instinctive de ces créatures aux passions tantôt concentrées, tantôt bondissantes, jamais assouvies. Il y a en elles du vampire. Puis, à mesure que vous considérez cette tête charmante, étrangement magnétique,