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ÉVOLUTION HISTORIQUE

mon imagination ; je consens même à ce qu’elle flatte mes sens, bien que ma liberté s’effarouche de cette flatterie, comme une vierge recule au contact d’une main d’homme étranger ; mais j’exige avant tout qu’elle parle à mon intelligence et à mon cœur, et que, s’élevant plus haut encore, elle arrive à ma conscience. Pour cela, il faut qu’elle soit la représentation et le produit de cette conscience, qu’elle en soit le miroir, l’interprète, et, par suite, l’excitateur.

C’est par ce rapport secret qu’une œuvre d’art, médiocre de conception et d’exécution, peut exciter au plus haut degré le sentiment esthétique, par suite toutes les facultés de conscience ; tandis que, si ce rapport manque, si l’âme est devenue coriace, la plus belle œuvre demeure stérile. ; elle est esthétiquement comme si elle n’était pas.

Les hommes qui aiment les femmes pour leur jeunesse, leur beauté, leur grâce, leur douceur, les trouvent aimables dans toutes leurs toilettes. Je ne nie pas que la parure n’ajoute à la beauté ; l’art n’est point l’ennemi de la richesse ; seul au contraire il peut lui donner du prestige ; mais il la supplée avec avantage.

Un simple ruban d’une personne aimée sera précieux, tandis que la plus belle robe de mariée, la plus riche corbeille de mariage sera sans intérêt pour ceux à qui la nouvelle épouse est étrangère. Que leur l’ont ses colliers, ses bracelets, ses dentelles ?