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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

Quand j’étais enfant, l’église où j’allais tous les dimanches me paraissait le plus beau, le plus grandiose des édifices ; pourquoi ? A cause du rapport intime entre la destination du monument et l’état religieux de ma conscience. Avec le temps, la réflexion m’en eût découvert les défauts ; j’aurais eu d’autres. conceptions architectoniques ; mais un grand effet esthétique n’en eût pas moins été produit, qui, s’épurant par l’analyse, aurait créé en moi une puissance de développement et de progrès, laquelle n’eût pas existé sans cela.

Ce ne sont pas les chefs-d’œuvre les plus somptueux, les plus sublimes qui opèrent les plus grands effets : ils sont eux-mêmes le point culminant d’un progrès esthétique créé par des œuvres beaucoup moindres. Non que je veuille dire qu’il est inutile que les artistes se donnent tant de peine ; j’entends seulement qu’ils travaillent en vain, s’ils ne se mettent en rapport direct et intime avec la conscience de leur siècle ; tellement en vain que, cette condition essentielle négligée, l’art, sans objet, sans. but, sans raison, sans direction, sans critère, finit par se dégrader et n’être plus de l’art ; c’est de la bimbeloterie.

Remarquez avec quel soin le Lévitique décrit les ornements, au fond si pauvres, du Tabernacle, et le livre III des Rois le temple de Salomon. Comme on sent, en les lisant, que l’âme tout entière du peuple est suspendue