représenter : l’inspiration est en lui proportionnelle à l’observation. C’est pourquoi, chez le véritable artiste, comme chez le véritable écrivain, chez le philosophe, l’inspiration, on peut le dire, ne faiblit jamais ; elle est constante, elle est à commandement. Elle ne s’en vaque lorsqu’il abandonne l’étude ; lorsque, par présomption ou paresse, il ne produit plus que de l’abondance de ses spéculations ou de ses souvenirs. Celui qui a l’intelligence vide a l’imagination vide aussi[1] ; mais ce terme de création, commun à l’industrieux, au philosophe, à l’écrivain et à l’artiste, acquiert une signification bien plus élevée si nous l’envisageons au point de vue de la société et de la morale.
L’humanité, telle est la croyance moderne, révolutionnaire, possède de son fonds la justice, et elle développe ce contenu de sa conscience par son énergie propre. Elle est ainsi sa propre éducatrice ; c’est elle qui opère sa justification, ou, en autres termes, sa création, de même que l’être absolu de Spinoza ; et par
- ↑ Comment a-t-on pu méconnaître que l’art de réflexion, de haute expression, analytique, synthétique, critique, accuse nécessairement une liberté supérieure ? Comment a-t-on pu voir dans l’étude et la méditation la mort de l’art ? Les artistes qui honorent le plus notre époque, les Delacroix, les Corot, les Huguenin, les Barye, sont tous des hommes de profonde observation, de longue étude, de patientes recherches. Courbet, dont la spontanéité est si riche, l’indépendance si fougueuse, médite longtemps ses ouvrages ; il les contemple dans son imagination, et tout à coup il les produit, avec fougue, en quelques journées.