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BUT ET DÉFINITION DE L’ART

savoir la lumière, n’y a rien mis du sien et ne s’est pas occupé de vous ; mais, pour peu que vous lui donniez d’attention, ces mêmes images ne vous en causeront pas moins une sensation de plaisir ; elles vous paraîtront même d’autant plus agréables, partant moins réalistes, plus idéales, que les objets représentés s’éloigneront par eux-mêmes de la matérialité pure, qu’ils participeront de votre vie, de votre âme, de votre intelligence[1].

La séparation du réel et de l’idéal est donc impossible, d’abord dans la nature, qui nous donne l’un et nous suggère au moins l’autre ; à plus forte raison dans l’art, cet art se réduisît-il à une simple photographie. Elle est impossible, dis-je, cette séparation, d’abord parce que la beauté, plus ou moins cachée, est partout dans l’univers, opera Dei perfecta ; puis parce que nous avons des yeux et un cœur qui savent la découvrir ; Platon affirme cette séparation, lorsqu’il dit que les Idées, c’est-à-dire les types éternels de toutes les choses créées, existaient avant la création dans la pensée de Dieu. Mais qui admet aujourd’hui cette théosophie de Platon ? Les idées des choses sont

  1. L’homme se cherche dans toutes ses œuvres d’art ; son but est toujours son moi, sa personnalité. Il se retrouve aussi bien dans le paysage que dans sa propre effigie. Le sentiment de la nature est faible dans les commencements où les villes sont petites ; il devient plus vif au sein des grandes capitales : voyez Virgile qui pleure ses campagnes au milieu de Rome.