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ÉVOLUTION HISTORIQUE

modèles, par l’élimination scrupuleuse de tout ce que la figure humaine peut conserver de la physionomie animale, par le renforcement de tous les traits que l’on considérait, comme exprimant l’intelligence, le caractère, la noblesse, la volonté, la majesté, la justice, l’œuvre était accomplie ; il n’y avait plus qu’à en tirer des exemplaires : les dieux immortels devaient régner à jamais sur le genre humain. L’idéal, par nature, est aussi immobiliste que le dogme ; son immortalité n’est pas la vie, le progrès ; l’art grec, si faiblement soutenu par sa doctrine, devait disparaître plus rapidement que n’avait fait l’art égyptien.

Je juge de l’art chrétien, spiritualiste et ascétique, par les cathédrales et autres monuments de l’architecture gothique, par les statues qui jadis les peuplaient, et dont une partie a été conservée ; par quelques peintures pieuses du quinzième et du seizième siècle ; par les hymnes et la musique de plain-chant. A première vue, il est aisé de se convaincre qu’il en a été de l’art gothique comme de l’art égyptien et de l’art grec : ce n’a point été, comme l’imagine le vulgaire, qui ne sait apercevoir, même dans une bataille, que des actions individuelles, le fait de quelques particuliers heureusement doués, et qui, sollicités par les villes, les pontifes et les princes, se sont mis à improviser de toutes pièces ces merveilles, auparavant inconnnes. Le gothique est né. comme l’hellénique, d’un