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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

besoin des âmes ; il a été le produit d’une force de collectivité sociale. Quand donc reviendrons-nous de cette opinion absurde qui, dans certains artistes, poëtes et écrivains de l’antiquité, nous fait voir des génies prodigieux que la nature épuisée est aujourd’hui impuissante à produire, et dont les œuvres sont pour nous inimitables ? Le génie ne se montre pas isolé, il n’est pas un homme, c’est une légion ; il a ses précédents, sa tradition, ses idées faites et lentement accumulées, ses facultés agrandies et rendues plus énergiques par la foi intense des générations ; il a son compagnonnage, ses courants d’opinion ; il ne pense pas seul, dans un égoïsme solitaire ; c’est une âme multiple, épurée et fortifiée pendant des siècles par la transmission héréditaire. Certainement, nous ne referons pas les œuvres, du ciseau grec, pas même celles du ciseau gothique et égyptien ; nous ne pouvons plus en donner que des copies ou contre-façons, et pourquoi ? Parce que l’âme grecque est morte, aussi bien que l’âme égyptienne ; parce que nous ne participons plus de sa pensée et de son sentiment ; parce que nous sommes animés d’un tout autre esprit, qui ne fait même que de naître et ne s’est pas encore manifesté, au point de vue esthétique, dans sa collectivité. A peine connaissons-nous nos principes, les principes de la Révolution ; quant à l’art, nous ne sommes que des chauvins.

L’homme des bords du Nil s’attachait, dans ses figu-