Page:Proudhon - Explications sur le droit de propriété.djvu/16

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Ce que je viens d’exposer à Votre Excellence, monsieur le ministre, explique suffisamment, ce me semble, les critiques parfois un peu vives que j’ai faites des hommes et des choses, et l’effroi toujours croissant que j’ai contribué ; peut-être plus qu’aucun autre, à répandre parmi les propriétaires. Partant d’un principe essentiellement différent de la propriété, puisque la propriété n’est qu’un de ses éléments, et raisonnant avec une inexorable rigueur, je devais paraître et j’ai été appelé démolisseur. Toute critique, par elle-même, est alarmante, surtout en matière de société ; mais aussi, en matière de société, il y a loin de la critique à la destruction. D’ailleurs, comment corriger et guérir, comment nous connaître nous-mêmes, sans critique ? D’autre part, plus les lumières augmentent et se répandent, plus le désordre devient apparent et grossit à l’imagination ; plus le sentiment du malaise nous pénètre, plus les vices du pouvoir semblent croître avec les années : plus, par conséquent, les plaintes et les invectives deviennent véhémentes. J’ai suivi comme tout autre, l’entraînement universel : suis-je moins excusable ?

Je dis à la page 7 de ma dernière brochure : Est-ce le gouvernement le plus hypocrite, le plus pervers, le plus dévorant, le plus anti-national qui fut jamais ?

Il faut vous rendre plus intelligible, ou si vous voulez, monsieur le ministre, plus tolérable chacune de ces épithètes.

Le gouvernement actuel, quant à sa tendance (chose que dans l’individu on appelle intention), est meilleur que les précédents ; quant à ses effets présents, il est encore tout ce que je viens de dire. L’incertitude et l’effroi de l’avenir ; les cris et la mauvaise foi des factions ; l’ambition, la vénalité, la corruption flagrante de plusieurs de ceux qui tiennent le timon des affaires ; une foule de causes générales et particulières rendent le pouvoir ce qu’il est aujourd’hui, et justifient toutes les qualifications que je lui donne. Il en est une pourtant que je regrette et dont je viens seulement d’apercevoir l’équivoque, c’est celle de pervers, qui marque la dépravation de la raison, la réflexion dans le crime : j’ai voulu dire perverti.

En un mot, je regarde les vices du gouvernement comme