Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/120

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fini de sitôt avec les utopies sociétaires. L’association, pour une certaine classe de prédicants et de flâneurs, sera longtemps encore un prétexte d’agitation et un instrument de charlatanisme. Avec les ambitions qu’elle peut faire naître, l’envie qui se déguise sous son prétendu dévouement, les instincts de domination qu’elle réveille, elle sera longtemps encore une des préoccupations fâcheuses qui retardent parmi le peuple l’intelligence de la Révolution. Les sociétés ouvrières elles-mêmes, fières à juste titre de leurs premiers succès, entraînées par la concurrence qu’elles font aux anciens maîtres, enivrées des témoignages qui déjà saluent en elles une nouvelle puissance, ardentes comme le sont toutes les compagnies à établir leur prépondérance, avides de pouvoir, auront peine à s’abstenir de toute exagération et à rester dans les limites de leur rôle. Des prétentions exorbitantes, des coalitions gigantesques, irrationnelles, des fluctuations désastreuses, pourront se produire, qu’une connaissance supérieure des lois de l’économie sociale aurait prévenues.

À cet égard, une grave responsabilité pèsera, dans l’histoire, sur Louis Blanc. C’est lui qui, au Luxembourg, avec son logogriphe Égalité-Fraternité-Liberté, avec ses abraxas De chacun… À chacun… a commencé cette opposition misérable de l’idéologie aux idées, et soulevé contre le socialisme le sens commun. Il s’est cru l’abeille de la révolution, il n’en a été que la cigale. Puisse-t-il enfin, après avoir empoisonné les ouvriers de ses formules absurdes, apporter à la cause du prolétariat, tombée un jour d’erreur en ses débiles mains, l’obole de son abstension et de son silence !