Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/149

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n’appartient au maître : tout au contraire, c’est justement l’idée de Saint-Simon qu’ont méconnue les Saints-Simoniens.

Qu’a voulu dire Saint-Simon ?

Du moment où, d’une part, la philosophie succède à la foi, et remplace l’ancienne notion de Gouvernement par celle de contrat ; où, d’un autre côté, à la suite d’une Révolution qui abolit le régime féodal, la société demande à développer, harmoniser ses puissances économiques : de ce moment-là il devient inévitable que le Gouvernement, nié en théorie, se détruise progressivement dans l’application. Et quand Saint-Simon, pour désigner ce nouvel ordre de choses, se conformant au vieux style, emploie le mot de Gouvernement accolé à l’épithète d’administratif ou industriel, il est évident que ce mot acquiert sous sa plume une signification métaphorique ou plutôt anagogique, qui ne pouvait faire illusion qu’aux profanes. Comment se tromper sur la pensée de Saint-Simon, en lisant le passage, plus explicite encore, que je vais citer :

…...« Si l’on observe la marche que suit l’éducation des individus, on remarque, dans les écoles primaires, l’action de gouverner comme étant la plus forte ; et dans les écoles d’un rang plus élevé, on voit l’action de gouverner les enfants diminuer toujours d’intensité, tandis que l’enseignement joue un rôle de plus en plus important. Il en a été de même pour l’éducation de la société. L’action militaire, c’est-à-dire féodale (gouvernementale), a dû être la plus forte à son origine ; elle a toujours dû décroître ; tandis que l’action administrative a toujours dû acquérir de l’importance ; et le pouvoir administratif doit nécessairement finir par dominer le pouvoir militaire. »