Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/160

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guère moins produit ; l’Empire et les Gouvernements postérieurs ont travaillé de même. Actuellement, le Bulletin des Lois en contient, dit-on, plus de cinquante mille ; si nos représentants faisaient leur devoir, ce chiffre énorme serait bientôt doublé. Croyez-vous que le Peuple, et le Gouvernement lui-même, conserve sa raison dans ce dédale ?…

Certes, nous voici loin déjà de l’institution primitive. Le Gouvernement remplit, dit-on, dans la Société le rôle de père : or, quel père s’avisa jamais de faire un pacte avec sa famille ? d’octroyer une charte à ses enfants ? de faire une balance des pouvoirs entre lui et leur mère ? Le chef de famille est inspiré, dans son gouvernement, par son cœur ; il ne prend pas le bien de ses enfants, il les nourrit de son propre travail ; guidé par son amour, il ne prend conseil que de l’intérêt des siens et des circonstances ; sa loi c’est sa volonté, et tous, la mère et les enfants, y ont confiance. Le petit état serait perdu, si l’action paternelle rencontrait la moindre opposition, si elle était limitée dans ses prérogatives, et déterminée à l’avance dans ses effets. Eh quoi ! serait-il vrai que le Gouvernement n’est pas un père pour le peuple, puisqu’il se soumet à des règlements, qu’il transige avec ses sujets, et se fait le premier esclave d’une raison qui, divine ou populaire, n’est pas la sienne ?

S’il en était ainsi, je ne vois pas pourquoi je me soumettrais moi-même à la loi. Qui est-ce qui m’en garantit la justice, la sincérité ? D’où me vient-elle ? Qui l’a faite ? Rousseau enseigne en propres termes que, dans un gouvernement véritablement démocratique et libre, le citoyen, en obéissant à la loi, n’obéit qu’à sa propre volonté. Or, la loi a été faite sans ma participation, malgré mon dissentiment absolu, malgré le