Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/166

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par le patriarcat, ce qui rentre dans la catégorie précédente, ou par la force ;

Dans les mœurs sacerdotales, il se pose par la foi ;

Dans les mœurs aristocratiques, il se pose par la primogéniture, ou la caste ;

Dans le système de Rousseau, devenu le nôtre, il se pose soit par le sort, soit par le nombre.

La génération, la force, la foi, la primogéniture, le sort, le nombre, toutes choses également inintelligibles et impénétrables, sur lesquelles il n’y a point à raisonner, mais à se soumettre : tels sont, je ne dirai pas les principes, — l’Autorité comme la Liberté ne reconnaît qu’elle-même pour principe, — mais les modes différents par lesquels s’effectue, dans les sociétés humaines, l’investiture du Pouvoir. À un principe primitif, supérieur, antérieur, indiscutable, l’instinct populaire a cherché de tout temps une expression qui fût également primitive, supérieure, antérieure et indiscutable. En ce qui concerne la production du Pouvoir, la force, la foi, l’hérédité, ou le nombre, sont la forme variable que revêt cette ordalie ; ce sont des jugements de Dieu.

Est-ce donc que le nombre offre à votre esprit quelque chose de plus rationnel, de plus authentique, de plus moral, que la foi ou la force ? Est-ce que le scrutin vous paraît plus sûr que la tradition ou l’hérédité ? Rousseau déclame contre le droit du plus fort, comme si la force, plutôt que le nombre, constituait l’usurpation. Mais qu’est-ce donc que le nombre ? que prouve-t-il ? que vaut-il ? quel rapport entre l’opinion, plus ou moins unanime et sincère, des votants, et cette chose qui domine toute opinion, tout vote, la vérité, le droit ?

Quoi ! il s’agit de tout ce qui m’est le plus cher,