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Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/176

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cette souveraineté jalouse de l’avocat d’Arras ; puis, sa théorie dûment enterrée, venons à celle de M. Rittinghausen.

Que veut celui-ci ?

Que nous traitions, les uns avec les autres, chacun dans la mesure de nos besoins, sans intermédiaire, directement ? Non : M. Rittinghausen n’est pas à ce point ennemi du pouvoir. Il veut seulement qu’au lieu de faire servir le suffrage universel à l’élection des législateurs, on le fasse servir à la confection de la loi, uniforme et impersonnelle. C’est donc encore une lutte, une mystification.

Je ne reproduirai point, sur l’application du suffrage universel aux matières de législation, les objections qu’on a faites de tout temps contre les assemblées délibérantes, par exemple, qu’une seule voix faisant la majorité, c’est par une seule voix que le législateur ferait la loi. Que cette voix aille à droite, le législateur dit oui ; qu’elle aille à gauche, il dit non. Cette absurdité parlementaire, qui est le grand ressort de la rouerie politique, transportée sur le terrain du suffrage universel, amènerait sans doute avec des scandales monstrueux d’épouvantables conflits. Le Peuple législateur serait bientôt odieux à lui-même et discrédité. — Je laisse ces objections aux menus critiques, et ne m’arrête qu’à l’erreur fondamentale et par suite à l’inévitable déception de cette législation prétendue directe.

Ce que cherche M. Rittinghausen, sans que toutefois il le dise, c’est la Pensée générale, collective, synthétique, indivisible, en un mot la pensée du Peuple, considéré, non plus comme multitude, non plus comme être de raison, mais comme existence supérieure et vivante. La théorie de Rousseau lui-même