conduisait là. Que voulait-il, que veulent ses disciples par leur suffrage universel et leur loi de majorité ? approximer, autant que possible, la raison générale et impersonnelle, en regardant comme adéquate à cette raison l’opinion du plus grand nombre. M. Rittinghausen suppose donc que le vote de la loi, par tout le peuple, donnera une approximation plus grande que le vote d’une simple majorité de représentants : c’est dans cette hypothèse que consiste toute l’originalité, toute la moralité de sa théorie.
Mais cette supposition en implique nécessairement une autre, à savoir, qu’il y a dans la collectivité du Peuple une pensée sui generis, capable de représenter à la fois l’intérêt collectif et l’intérêt individuel, et que l’on peut dégager, avec plus ou moins d’exactitude, par un procédé électoral ou scrutatoire quelconque ; conséquemment que le Peuple n’est pas seulement un être de raison, une personne morale, comme disait Rousseau, mais bien une personne véritable, qui a sa réalité, son individualité, son essence, sa vie, sa raison propre. S’il en était autrement, s’il n’était pas vrai que le suffrage ou le vote universel sont pris ici par leurs partisans pour une approximation supérieure de la vérité, je demanderais sur quoi repose l’obligation, pour la minorité, de se soumettre à la volonté de la majorité ? L’idée de la réalité et de la personnalité de l’Être collectif, idée que la théorie de Rousseau nie, dès le début, de la manière la plus expresse, est donc au fond de cette théorie ; à plus forte raison doit-elle se retrouver dans celles qui ont pour but de faire intervenir le peuple dans la loi, d’une manière plus complète et plus immédiate.
Je n’insiste pas, quant à présent, sur la réalité et la personnalité de l’Être collectif, idée qui n’est apparue