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Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/193

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n’a effectivement plus rien au-dessus de lui, je demande ce qu’il a au-dessous ? en autres termes, où est le corrélatif du Gouvernement ? où sont les laboureurs, les industriels, les commerçants, les soldats ? où sont les travailleurs et les citoyens ?……

Dira-t-on que le Peuple est toutes ces choses à la fois, qu’il produit et légifère en même temps, que Travail et Gouvernement sont en lui indivis ? C’est impossible, puisque d’un côté le Gouvernement ayant pour raison d’être la divergence des intérêts, d’autre part aucune solution d’autorité ou de majorité ne pouvant être admise, le Peuple seul dans son unanimité ayant qualité pour faire passer les lois, conséquemment le débat législatif s’allongeant avec le nombre des législateurs, les affaires d’État croissant en raison directe de la multitude des hommes d’État, il n’y a plus lieu ni loisir aux citoyens de vaquer à leurs occupations industrielles ; ce n’est pas trop de toutes leurs journées pour expédier la besogne du Gouvernement. Pas de milieu : ou travailler ou régner ; c’est la loi du Peuple comme du Prince : demandez à Rousseau.

C’est ainsi, du reste, que les choses se passaient à Athènes, où pendant plusieurs siècles, à l’exception de quelques intervalles de tyrannie, le Peuple tout entier fut sur la place publique, discutant du matin au soir. Mais les vingt mille citoyens d’Athènes qui constituaient le souverain avaient quatre cent mille esclaves travaillant pour eux, tandis que le Peuple français n’a personne pour le servir, et mille fois plus d’affaires à expédier que les Athéniens. Je répète ma question : Sur quoi le Peuple, devenu législateur et prince, légiférera-t il ? pour quels intérêts ? dans quel but ? Et pendant qu’il gouvernera, qui le