faire que l’argent, sans devenir moins rare, par conséquent sans rien perdre de sa valeur, ne mette plus en souffrance leurs intérêts, ne soit plus une gêne au commerce et au travail ; ce moyen, c’est d’en centraliser la circulation et d’en rendre le prêt réciproque.
N’est-il pas évident, après cela, que se prévaloir de la rareté du numéraire pour exiger un remboursement impossible, ou à défaut un intérêt illégal, c’est argumenter du fait même dont le législateur a voulu annihiler la maligne influence, et poser comme principe ce qui est précisément en question, mieux que cela, ce qui a été jugé ?
Vous nous réclamez dix-huit milliards d’espèces, pouvons-nous dire aux capitalistes ; comment donc se fait-il qu’il en existe à peine deux ? Comment, avec deux milliards d’écus, êtes-vous parvenus à vous rendre nos créanciers pour dix-huit ? C’est, direz-vous, par le roulement du numéraire et le renouvellement des prêts. C’est donc aussi par le roulement du numéraire et le renouvellement des annuités que nous nous acquitterons envers vous. Vous avez pris temps pour prêter, nous prendrons temps pour rembourser. N’êtes-vous pas déjà bien heureux, en perdant l’intérêt, de conserver les valeurs ?
Mais le raisonnement n’y fera rien. L’aigle défend son aire, le lion son antre, le pourceau son auge : le capital ne lâchera pas son intérêt. Et nous, pauvres patients, nous sommes ignorants, désarmés, divisés ; il n’est pas un de nous, lorsqu’une veine le pousse à la révolution, qui ne soit retenu par une autre dans la résistance !
En 89, la chose était claire au moins : d’un côté la noblesse, le clergé, la couronne ; de l’autre le Tiers-État, formant à lui seul les quatre-vingt dix-neuf cen-