Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un navire, jouer Athalie, construire le Panthéon ou la colonne de Juillet ? De pareils travaux sont-ils à la disposition du premier venu, même assorti de tout le capital nécessaire ? Et celui qu’on nomme l’entrepreneur est-il autre chose qu’un initiateur ou un capitaine ?…

C’est dans ce cas, parfaitement défini, que l’association, à peine d’immoralité, de tyrannie et de vol, me paraît être tout à fait de nécessité et de droit. L’industrie à exercer, l’œuvre à accomplir, sont la propriété commune et indivise de tous ceux qui y participent : la concession des mines et chemins de fer à des compagnies de traitants, exploiteurs du corps et de l’âme de leurs salariés, est une trahison du pouvoir, une violation du droit public, un outrage à la dignité et à la personnalité humaine.

Certes, les ouvriers parisiens, qui les premiers ont marqué le pas de la Révolution et affirmé le principe de l’identité des intérêts, ne pouvaient, à leurs débuts, observer une telle méthode. Il ne tenait pas à eux de s’organiser en compagnies de manufactures et de chemins de fer. Dieu me garde de leur en faire le moindre reproche. La place était prise (elle sera reprise ! ) et gardée par des milliers de baïonnettes. Les capitaux qu’il eût fallu rembourser étaient énormes ; les institutions de crédit, indispensables à une pareille liquidation, n’existaient pas. Les ouvriers ne pouvaient rien de ce côté : la force des choses les a donc rejetés dans les industries où l’association est le moins utile. Aussi leur œuvre, toute de dévouement et de provisoire, n’a-t-elle d’autre but, quant à présent, que de dompter le commerce agioteur, d’expulser la spéculation parasite et de former une élite de praticiens, qui, semblables aux jeunes gé-