liberté de son prochain, il s’est imposé un arbitre, qui a été le juge ; de même, entre son intérêt privé et l’intérêt général, supposés par lui aussi inconciliables que son instinct et sa raison, il a cherché un nouveau conciliateur, qui a été le prince. L’homme s’est ainsi dépouillé de son caractère moral et de sa dignité judiciaire ; il a abdiqué son initiative : et par cette aliénation de ses facultés, il s’est fait l’esclave impur des imposteurs et des tyrans.
Mais, depuis Jésus-Christ, Isaïe, David, Moïse lui-même, il est admis que le juste n’a nul besoin de sacrifice ni de prêtre ; et nous avons prouvé tout à l’heure que l’institution d’une justice supérieure au justiciable est en principe une contradiction, une violation du pacte social. Nous sera-t-il donc plus difficile de nous passer, pour l’accomplissement de nos devoirs sociaux et civiques, de la haute intervention de l’État ? Le régime industriel, nous l’avons démontré, c’est l’accord des intérêts résultant de la liquidation sociale, de la gratuité de la circulation et du crédit, de l’organisation des forces économiques, de la création des compagnies ouvrières, de la constitution de la valeur et de la propriété.
Dans cet état de choses, à quoi peut servir encore le Gouvernement ? à quoi bon l’expiation ? à quoi bon la justice ? Le Contrat résout tous les problèmes. Le producteur traite avec le consommateur, l’associé avec sa compagnie, le paysan avec sa commune, la commune avec le canton, le canton avec le département, etc., etc. C’est toujours le même intérêt qui transige, se liquide, s’équilibre, se répercute à l’infini ; toujours la même idée qui roule, de chaque faculté de l’âme, comme d’un centre, vers la périphérie de ses attractions.