Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Si l’école de marine est autre chose que le service effectif à bord, en comprenant dans ce service celui même de mousse, l’école de marine ne sera qu’un moyen de distinguer deux classes dans la marine : la classe des matelots et la classe des officiers.

C’est ainsi que nous voyons les choses se passer dans notre régime d’oppression politique et d’anarchie industrielle. Nos écoles, quand elles ne sont pas des établissements de luxe ou des prétextes à sinécures, sont les séminaires de l’aristocratie. Ce n’est pas pour le peuple qu’ont été fondées les écoles Polytechnique, Normale, de Saint-Cyr, de Droit, etc. ; c’est pour entretenir, fortifier, augmenter la distinction des classes, pour consommer et rendre irrévocable la scission entre la bourgeoisie et le prolétariat.

Dans une démocratie réelle, où chacun doit avoir sous la main, à domicile, le haut et le bas enseignement, cette hiérarchie scolaire ne saurait s’admettre. C’est une contradiction au principe de la société. Dès lors que l’éducation se confond avec l’apprentissage ; qu’elle consiste, pour la théorie, dans la classification des idées, comme pour la pratique dans la séparation des travaux ; qu’elle est devenue tout à la fois chose de spéculation, de travail et de ménage : elle ne peut plus dépendre de l’État, elle est incompatible avec le Gouvernement. Qu’il y ait dans la République un bureau central des études, un autre des manufactures et des arts, comme il y a une Académie des sciences et un bureau des longitudes, cela peut se faire et je n’y vois aucun inconvénient. Mais encore une fois quel besoin pour cela d’une autorité ? Pourquoi cet intermédiaire entre l’étudiant et la salle d’études, entre l’atelier et l’apprenti, alors que vous ne l’admettez pas entre le travail et le travailleur ?…