Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/349

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Mais ce qui vient redoubler l’inquiétude, c’est qu’en même temps que les anciennes croyances se perdent, on s’aperçoit que l’espace habitable est sans proportion avec l’activité et la fécondité de la race qui s’y trouve prisonnière. La terre est trop étroite pour l’Humanité qui l’exploite ; l’air y manque ; et, dans un nombre de générations donné, on y mourra de faim !…

Alors ces hommes, qui d’abord avaient pris leur orbe pour l’infini, qui en avaient chanté les merveilles, et qui maintenant se voient en prison comme un nid de haridelles dans une motte, se mettent à blasphémer Dieu et la nature. Ils accusent le fabricateur souverain de les avoir trompés : c’est un désespoir, une confusion épouvantable. Les plus hardis jurent, avec des imprécations affreuses, qu’ils ne s’en tiendront point là. Menaçant le ciel de l’œil et du poing, ils se mettent audacieusement à forer le sol, tant et si bien, qu’un jour la sonde ne rencontrant plus que le vide, on en conclut qu’à la surface concave de cette sphère, correspond une surface convexe, un monde extérieur, que l’on se promet de visiter.

Nous sommes, au point de vue des idées politiques et religieuses, dont notre intelligence est enveloppée comme d’une sphère impénétrable, exactement dans la même position que ces hommes, et parvenus au même résultat.

Depuis l’origine des sociétés, l’esprit humain, saisi, embrassé par le système théologico-politique, enfermé dans cette boîte, hermétiquement close, dont la Religion est le couvercle et le Gouvernement le fond, a pris les bornes de cet étroit horizon pour les limites de la raison et de la société. Dieu et le Prince, l’Église et l’État, retournés en tous sens, remaniés à l’infini, ont été son Univers. Pendant longtemps il n’a