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Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/35

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mais en détail, est de tous les soins du gouvernement celui qui le préoccupe le plus. Contre une garde nationale armée, organisée, prête au combat, la science réactionnaire ne connaît pas de préservatif. Le gouvernement ne se peut croire en sûreté tant qu’il existera en France un seul soldat citoyen. Gardes nationaux ! vous êtes les incurables de la liberté et du progrès : allez à la Révolution.

Comme tous les monomanes, le gouvernement est on ne peut plus logique dans son idée. Il la suit avec une persévérance, une ponctualité merveilleuse. Il a parfaitement compris que la cure nationale, européenne, dont il s’est fait le Purgon, pourrait bien n’être pas arrivée à terme quand sonnera l’heure des comices populaires, et qu’alors le pauvre patient, rendu fou par les remèdes, est capable de briser ses liens, d’assommer ses gardes, et de compromettre en une heure de rage le fruit de trois années de traitement. Une rechute serait donc imminente. Déjà, en mars et avril 1850, sur la question électorale, monarchie ou république, c’est-à-dire révolution ou statu quo, une majorité imposante s’était déclarée pour la révolution. Comment conjurer un tel danger, sauver le peuple de ses propres fureurs ?

Il faut maintenant, dirent les doctes, procéder par révulsion. Partageons le peuple en deux catégories, l’une comprenant tous les citoyens présumés, d’après leur état, les plus révolutionnaires : ils seront exclus du suffrage universel ; — l’autre, tous ceux qui, par position, doivent incliner davantage au statu quo : ceux-ci formeront seuls le corps électoral. Quand même, par cette suppression, nous aurions éliminé des listes trois millions d’individus, qu’importe, si les sept autres millions acceptent leur privilége ? Avec