Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/353

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» Tu obéiras aux lois que leur sagesse t’aura faites ;

» Tu payeras fidèlement le budget ;

» Et tu aimeras le Gouvernement, ton seigneur et ton dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence : parce que le Gouvernement sait mieux que toi ce que tu es, ce que tu vaux, ce qui te convient, et qu’il a le pouvoir de châtier ceux qui désobéissent à ses commandements, comme de récompenser jusqu’à la quatrième génération ceux qui lui sont agréables. »

Ô personnalité humaine ! se peut-il que pendant soixante siècles tu aies croupi dans cette abjection ? Tu te dis sainte et sacrée, et tu n’es que la prostituée, infatigable, gratuite, de tes valets, de tes moines et de tes soudarts. Tu le sais, et tu le souffres ! Être gouverné, c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n’ont ni le titre, ni la science, ni la vertu… Être gouverné, c’est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C’est, sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! Et dire qu’il y a parmi nous des démocrates