Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/352

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Quelle distance sépare ces deux régimes, on peut en juger par la différence de leurs styles.

L’un des moments les plus solennels dans l’évolution du principe d’autorité est celui de la promulgation du Décalogue. La voix de l’ange commande au Peuple, prosterné au pied du Sinaï :

Tu adoreras l’Éternel, lui dit-il, et rien que l’Éternel ;

Tu ne jureras que par lui ;

Tu chômeras ses fêtes, et tu lui payeras la dîme ;

Tu honoreras ton père et ta mère ;

Tu ne tueras pas ;

Tu ne voleras pas ;

Tu ne forniqueras pas ;

Tu ne commettras point de faux ;

Tu ne seras point envieux et calomniateur ;

Car l’Éternel l’ordonne, et c’est l’Éternel qui t’a fait ce que tu es. L’Eternel seul est, souverain, seul sage, seul digne ; l’Éternel punit et récompense, l’Éternel peut te rendre heureux et malheureux.

Toutes les législations ont adopté ce style ; toutes, parlant à l’homme, emploient la formule souveraine. L’hébreu commande au futur, le latin à l’impératif, le grec à l’infinitif. Les modernes ne font pas autrement. La tribune de M. Dupin est un Sinaï aussi infaillible et non moins redoutable que celui de Moïse ; quelle que soit la loi, de quelque bouche qu’elle parte, elle est sacrée dès lors qu’elle a été prononcée par cette trompette fatidique, qui chez nous est la majorité.

« Tu ne te rassembleras pas ;

» Tu n’imprimeras pas ;

» Tu ne liras pas ;

» Tu respecteras tes représentants et tes fonctionnaires, que le sort du scrutin ou le bon plaisir de l’État t’aura donnés ;