Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/92

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nous allons en faire sortir la règle dont nous avons besoin.

Puisque c’est la tendance de la Société qui est mauvaise, le problème de la Révolution consistera donc à changer cette tendance, à la redresser, comme on redresse, à l’aide d’un support, un jeune arbre ; à lui faire prendre une autre direction, comme on détourne une voiture après l’avoir tirée de la fausse ornière. En ce redressement doit consister toute l’innovation révolutionnaire : il ne peut être question de toucher à la Société elle-même, que nous devons considérer comme un être supérieur doué d’une vie propre, et qui par conséquent exclut de notre part toute idée de reconstitution arbitraire.

Cette première donnée est tout à fait dans les instincts du peuple.

Le peuple, en effet, et la pratique constante des révolutions le révèle, n’est nullement utopiste. La fantaisie et l’enthousiasme ne le possèdent qu’à de rares et courts intervalles. Il ne cherche point, avec les anciens philosophes, le Souverain Bien, ni avec les socialistes modernes le Bonheur ; il n’a aucune foi à l’Absolu, et repousse loin, comme mortel à sa nature, tout système à priori et définitif. Son sens profond lui dit que l’absolu, pas plus que le statu quo, ne peut entrer dans les institutions humaines. L’absolu, pour lui, c’est la vie même, la diversité dans l’unité. Comme il n’accepte pas de formule dernière, qu’il a besoin d’aller toujours, il s’ensuit que la mission de ses éclaireurs consiste uniquement à lui agrandir l’horizon et déblayer le chemin.

Cette condition fondamentale de la solution révolutionnaire ne paraît pas jusqu’ici avoir été comprise.

Les systèmes abondent ; les projets pleuvent. L’un