Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/108

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rieure, et qu’en général ces exécutions sont justes, parce qu’elles s’accomplissent au nom de la force.

Le soldat se dit encore que dans la guerre, conduite selon les règles, tout devient généreux et sublime ; que si là, comme partout, l’assassinat, le viol, la déprédation et la débauche trouvent l’occasion de se déployer, de pareils méfaits ne prouvent pas plus contre la guerre que la prévarication du juge ne prouve contre l’institution des tribunaux ; que la véritable représentation d’un pays, dans ses rapports avec l’étranger, est son armée ; que, comme cette armée est la force du peuple, elle en devient, en cas de guerre, la conscience ; que, même dans la prévision de la défaite, la guerre est pour le citoyen le plus sacré et le plus glorieux des devoirs, parce qu’il s’agit de sauver la patrie, en tout état de cause de la rendre honorable ; que ce qui fait la victoire, c’est, autant et plus que la force matérielle, l’énergie morale ; que dans le triomphe il n’y a donc pas seulement de l’orgueil, il y a aussi le juste sentiment du droit, qui, entre nations, ne s’établit point par procédures, mais par la générosité du sacrifice, le mépris de la mort, la probité, la tempérance et la mansuétude unies à la valeur.

C’est pour cela que le véritable soldat ne hait ni ne méprise son ennemi. Il l’honore au contraire, il lui tend la main hors de la bataille ; il sait que cet ennemi combat, comme lui-même, pour son prince, pour sa patrie ; que, comme lui, il représente la conscience d’une nation, et qu’il défend une grande cause. Quel plus sublime spectacle que celui de deux armées suspendant tout à coup leur action pour rendre en commun un tribut d’honneur au brave, comme il arriva, au siége de Mayence, aux funérailles du général Meunier ?

Le soldat se dit, enfin, que la guerre est bien moins à craindre que ne le supposent les timides ; qu’elle est