Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/116

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qu’il imagine des rois constitutionnels, répondant sur le dos de leurs ministres ? Est-ce qu’il adore des divinités nominales ou métaphysiques ?

Comment expliquer ensuite cette multitude de formalités dont les nations tiennent à si grand honneur de s’entourer dans leurs entreprises guerrières : significations, déclarations, propositions d’arbitres, médiations, interventions, ultimatums, invocations aux dieux, renvoi des ambassadeurs, inviolabilité des parlementaires, échange d’otages et de prisonniers, droit des neutres, droit des réfugiés, des suppliants, des blessés ; respect des cadavres ; droit du vainqueur, droit du vaincu, droit de postliminie ; délimitation de la conquête, etc., etc. : tout un code, toute une jurisprudence ? Est-il possible d’admettre que tout cet appareil juridique couvre un pur néant ? Rien que cette idée, d’une guerre dans les formes ; rien que ce fait, admis par la police des nations, que des hommes qui se respectent ne se traitent pas à la guerre comme des brigands et des bêtes féroces, prouve que, dans la pensée générale, la guerre est un acte de juridiction solennelle, en un mot est un jugement.

Mais voici bien autre chose.

Au nom de quelle autorité, en vertu de quel principe ce jugement de la guerre est-il rendu ? La réponse semblerait un blasphème, si elle n’était le cri de l’humanité : Au nom et en vertu de la force.

C’est la troisième proposition sur laquelle nous avons à constater la contradiction la plus absolue entre la judiciaire des masses et la manière de voir de l’école.

Pour le coup nos auteurs n’y tiennent plus : ils sont éblouis.

Cicéron s’écrie, nous avons cité ses paroles :

« La force est la raison des bêtes, hoc belluarum. »