Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/157

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lui, ce qui revient à me constituer en définitive seul juge de mon intérêt, seul juge dans ma propre cause. »


Nous sommes donc toujours dans le non-droit : c’est ce que Hobbes reconnaît lui-même implicitement, lorsque, poursuivant son argumentation, il ajoute :


« La nature a donné à chacun de nous droit sur toutes choses. Mais, dans la pratique, ce droit sur toutes choses accordé à tous équivaut pour chacun à zéro, la compétition universelle ne permettant à personne de s’approprier, en toute sécurité et garantie, quoi que ce soit. De là la guerre, dans laquelle consiste l’état de nature. »


On voit par ces paroles, que je cite textuellement, que pour Hobbes le droit absolu était synonyme de la nullité absolue du droit. Ne reconnaît-on pas ici la logique de Hegel, faisant aussi l’être absolu synonyme de néant ?

Il s’agit de savoir comment nous sortirons de ce droit absolu de tous sur toutes choses, dans lequel il est évident que l’humanité ne peut subsister. À cette fin, Hobbes fait intervenir un nouvel élément à l’aide duquel il opère, dans cet absolu juridique, dans ce non-droit, une suite de déterminations donnant lieu à des droits spéciaux, positifs, en un mot, à de véritables droits.

Tout ce que j’ai le droit de faire ne m’est pas également avantageux. Je suis en état de guerre avec tous mes semblables ; j’ai le droit d’enlever ce qui me plaît, et de tuer le premier qui se présente, le tout pour nourrir mon corps et conserver mes membres : faculté immense, et qui me laisse, ce semble, bien des ressources. Pourtant, je consentirais volontiers à relâcher quelque chose de ce droit absolu, en échange de quelque garantie et sûreté. Car, je puis être tué moi-même ; ce qui prouve, en généralisant l’hy-