Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/158

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pothèse, que la guerre est mauvaise conservatrice du genre humain. Envisagé de ce nouveau point de vue, mon droit de tout faire pour la conservation de mon corps et de mes membres, va se modifier de lui-même ; il prendra pour limite et pour règle mon intérêt : In statu naturali mensuram juris esse utilitatem.

L’utilité, voilà le grand principe de Hobbes. C’est de lui que l’ont reçu Bentham et tous les utilitaires. On peut dire qu’il fait le fond de la conscience anglaise, qu’il est incarné dans le sang anglais. C’est la théorie de l’intérêt bien entendu. Ceux qui la professent sont loin de lui avoir conservé la rigueur de déduction du maître : on a laissé Hobbes sous le poids de la malédiction qui s’attache aux matérialistes et aux athées. Bentham et ses acolytes, avec leur hypocrisie, sont accueillis comme honnêtes gens et excellents chrétiens. Bien loin qu’on les rattache au véritable inventeur et théoricien de l’idée, c’est Bentham qu’on est convenu de regarder comme le CHEF de l’école dite utilitaire.

Reprenons maintenant la suite des propositions du patriarche :

L’état naturel des hommes, avant la formation des sociétés, et en dehors de l’institution religieuse, est la guerre, la guerre, dis je, de tous contre tous. Qu’est-ce, en effet, que la guerre, sinon le temps pendant lequel l’homme notifie à l’homme, par paroles ou par actes, sa volonté de combattre et d’user de violence ? Hors de ce temps, c’est la paix. Status hominum naturalis, antequam in societatem coiretur, bellum est ; neque hoc simpliciter, sed bellum omnium in omnes. Bellum enim quid est, præter tempus illud, in quo voluntas certandi per vim verbis factisve satis declaratur ? Tempus reliquum pax vocatur.

Ainsi la guerre, bien qu’elle soit l’état naturel de l’homme (nous savons ce qu’il faut entendre, d’après Hob-