Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bref, il se fera peu à peu, à l’aide de cette raison qui lui faisait au commencement rechercher sa félicité par la guerre et toute espèce de crime, il se fera, disons-nous, une loi de la paix et de toutes les vertus qui en sont l’apanage. Donc la justice n’est pas un vain mot, puisqu’elle est nécessaire, et que de cette nécessité seule nous pouvons déjà rigoureusement déduire tout un système de législation et de morale… »

Voilà ce que dirait le professeur. Or, je répète que Hobbes, le matérialiste, l’athée, l’apologiste de la tyrannie, n’a pas fait autre chose. Sous ce rapport, son système peut et doit être conservé presque tout entier.

Qu’est-ce donc qui fait la faiblesse de la théorie de Hobbes ? Je l’ai dit dès les premières lignes de ce chapitre, et je viens de l’expliquer, c’est qu’elle ne contient qu’une moitié de la vérité. Oui, la justice, l’état social, sont choses nécessaires, puisque le contraire aboutit au néant ; puisque ce même homme, à qui nous reconnaissons un droit absolu sur toutes personnes et toutes choses, est conduit, par son intérêt même et son égoïsme, à renoncer à cet absolutisme et à chercher la paix, la sécurité, la richesse, le bien-être, sa conservation, en un mot, dans une volontaire limitation de son droit. Mais la science du droit ne s’arrête pas à cette conclusion de la nécessité ; elle affirme, de la manière la plus positive, au nom du sens intime et de l’expérience psychologique, l’existence d’un principe de justice, que toutes les religions ont présenté comme une révélation et un ordre de Dieu, et qu’une philosophie plus attentive regarde comme le dictamen de la raison et de la conscience. La justice, disons-nous aujourd’hui, à la fois idée et sentiment, loi de l’esprit et puissance de l’âme, est immanente à notre nature, aussi réelle, aussi facile à reconnaître que l’amour, la sympathie, la maternité et toutes les affections du cœur. Il suit de là que l’homme n’est point seulement