Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/166

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quoi qu’il fasse, impunissable, le crime du prince lui paraissant un danger moindre que l’ébranlement de l’autorité suprême. Il disait encore que le prince ou conseil revêtu de la souveraine puissance devait avoir droit de censure et d’interdiction sur toute espèce d’écrits ; que la distinction de monarchie et tyrannie est absurde, etc., etc. En quoi je répète que tous les gouvernements qui depuis deux siècles ont eu, comme le philosophe anglais, la prétention de se conduire par les règles de la droite raison, indépendamment de la loi religieuse, n’ont fait que suivre pas à pas les maximes de Hobbes. Il est toujours, du reste, sous-entendu qu’en tout ce que fait et entreprend ce pouvoir absolu, il doit agir en vue du plus grand commun intérêt, qui n’est autre que la paix, puisque c’est au nom de cet intérêt qu’il est établi. En quoi encore je suppose que nos soi-disant démocrates, adorateurs du gouvernement fort, sont animés des sentiments les plus utilitaires.

Tel est, en résumé, le système de Hobbes : ce n’est pas autre chose que la théorie du pouvoir temporel, considéré comme distinct de tout élément religieux, spirituel et moral. Il y aurait à faire sur cette théorie, vigoureusement formulée par Hobbes, une foule d’observations curieuses ; je me contenterai d’un seul mot, tombé de la bouche de l’homme le plus fort et le plus absolu des temps modernes, Napoléon : La force ne fonde rien, disait-il. Cela signifie qu’une société en qui la conscience morale s’est affaissée, et qui n’a plus d’autre garantie d’ordre, d’autre sanction du droit que la force, est une société en péril ; il faut qu’elle se régénère ou qu’elle disparaisse.

Quant au droit de la force, pris, comme nous l’avons fait dans les chapitres précédents, au sens littéral du terme, il eût fait sourire Hobbes ainsi que Napoléon ; et l’on peut dire en toute vérité que le livre Du Citoyen en est la démolition la plus complète. La question reste donc entière :