Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/195

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des barbares, renaquirent toutes les nationalités que Rome avait englouties ; l’Italie elle-même obéit à ce mouvement de réaction, et l’on vit toutes les villes se détacher de la métropole avec une juvénile ardeur, qui fut pour l’Italie, il faut bien le reconnaître, le point de départ d’une vie de splendeur, d’universelle influence et de gloire. En un jour, le travail de six siècles fut détruit ; et ce que l’Italie avait été pour le monde par l’unité, elle le redevint par la fédération.

Ainsi s’explique l’agitation qui sous nos yeux travaille l’empire d’Autriche, agglomération à la fois monarchique et fédérative de nations réunies moitié par la guerre, moitié par des traités. C’est juste au moment où le gouvernement impérial allait accomplir son œuvre de centralisation que l’on voit ces nationalités, longtemps soumises, protester contre leur mutuelle fusion, revendiquer leurs priviléges, leurs vieilles chartes, leur autonomie : ce qui, si la force centrifuge l’emportait sur la force centripète, entraînerait la dissolution de l’empire.

Au point de condensation où ils sont parvenus, le groupement par grandes masses demeure, jusqu’à nouvel ordre, la loi des peuples de l’Europe. Leur commune sûreté, les intérêts de leur commerce, de leur industrie, de leur développement intellectuel et moral, l’intérêt supérieur de la civilisation universelle, font de ces grandes associations une nécessité. C’est dans ces conditions que s’était formé l’empire d’Autriche, fragment le plus considérable de cet empire apostolique fondé par Charlemagne, illustré par Othon le Grand, Barberousse et Charles-Quint. Maintenant de nouvelles idées, de nouveaux besoins travaillent les populations. Tandis que le gouvernement de Vienne, pressé par l’incursion du dehors, cherche son salut dans la concentration des forces de l’empire, les peuples dont il se compose craignent qu’une plus grande cohésion ne soit