Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/199

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« L’équilibre politique, dit Eugène Ortolan, consiste à organiser entre les nations faisant partie d’un même système une telle distribution et une telle opposition de forces, qu’aucun état ne s’y trouve en mesure, seul ou réuni à d’autres, d’y imposer sa volonté, ni d’y opprimer l’indépendance d’aucun autre état ; et s’il est exact de dire que l’équilibre de forces diverses s’obtient par la combinaison de ces deux données, l’intensité et la direction, on reconnaîtra qu’entre nations l’intensité se compose de tous les éléments quelconques, matériels ou immatériels, qui sont de nature à constituer la puissance, le moyen efficace d’action ; quant à la direction, elle se détermine par l’intérêt. Il faut donc combiner la distribution des divers éléments de puissance et les rapprochements ou les oppositions d’intérêts pour créer dans un groupe de nation, à un moment donné, un état d’équilibre, en ne perdant pas de vue l’extrême mobilité des éléments de puissance, et surtout des intérêts. Chaque jour ils peuvent se modifier, et l’équilibre courra le risque de s’altérer par ce qui augmentera ou diminuera les uns, et viendra unir ou diviser les autres[1]. »


Ces considérations de M. Ortolan impliquent toute une théorie du droit de la force, toute une philosophie de la guerre, quatre mots, ce semble, qui hurlent de se voir accouplés, mais qui n’en expriment pas moins, par leur réunion, une vérité rigoureuse. Elles aboutissent à cette conséquence, que je prends la liberté de recommander aux méditations du savant jurisconsulte : c’est que si, depuis un demi-siècle, grâce au principe d’équilibre, ou comme disait Ancillon, des contre-forces, le droit des gens a fait quelque progrès,

  1. Des moyens d'acquérir le domaine international. J’emprunte cette citation à M. Vergé, l’éditeur de Martens, n’ayant pas sous la main l’ouvrage de M. Ortolan.