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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/200

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il doit ce progrès, non pas à la négation du droit de la force, mais à son affirmation, je dirais presque à sa restauration, dans le sens littéral et matériel que lui donnèrent les anciens.

Tels sont, en général, les motifs puissants, les intérêts sacrés, justiciables de la force, qui remplissaient autrefois d’enthousiasme l’âme du guerrier. Bien plus que le sujet perdu dans nos grands états comme la goutte d’eau dans l’Océan, bien plus que le paysan de nos campagnes, le bourgeois et l’ouvrier de nos villes, l’homme de la cité antique sentait en lui la patrie et la souveraineté. Il n’était homme que par là ; hors de là il perdait tout, richesse, dignité, liberté. Voilà ce qui donnait un sens à la grande parole de Tyrtée, traduite par Horace : Dulce et decorum est pro patria mori. Il est doux, il est glorieux de mourir pour la patrie ; parole que la plèbe romaine, du temps d’Auguste, commençait à ne plus comprendre, et que les nations modernes ne comprennent pas beaucoup plus. Que fait au paysan de la Lombardie, par exemple, de vivre sous le protectorat du Piémont ou de l’Autriche, si la rente qu’il paye au bourgeois est toujours la même, si, comme le colon antique, il doit rester éternellement pauvre diable ?…

Dans cette lutte de la force, tout est beau, généreux, sublime. C’est là que l’honneur de la vie s’élève pour le citoyen en proportion de ses sacrifices ; c’est, le dirai-je ? par cette magnanimité de la guerre que le vaincu tombé en servitude est plus honorable que celui qui, sans combat, accepte l’incorporation de son pays et l’abrogation de sa souveraineté.

Si la justice est notre haute prérogative, et son culte quotidien le gage de notre félicité, les jours de batailles, je parle des batailles légitimes, doivent être pour les combattants des jours de sainte allégresse. L’heure, marquée par