quarante ans l’objet. Si Louis XV et ses ministres laissèrent accomplir ce partage sans y mettre opposition et sans exiger de compensation pour la France, ce fut une faute à eux et un malheur pour la France. Quant à la radiation de la Pologne de la liste des états, j’avoue que si cette lamentable tragédie me touche, si je regarde Kosciusko comme le plus grand citoyen de son siècle, je n’ai rien à objecter contre un fait devenu nécessaire et régulièrement accompli. Je m’indigne surtout contre ceux de nos démocrates qui depuis 1830 ont fait de la restauration de la Pologne un moyen d’opposition au gouvernement. Ce n’est point honorer une nationalité ni la servir que de la prendre ainsi pour instrument de tactique contre le gouvernement de son propre pays ; c’est aggraver sa position, en soulevant contre elle la malveillance des indifférents et la haine de ses possesseurs.
Mais nous savons, par la théorie même du droit de la force, que les nations quelquefois ressuscitent ; et l’on peut se demander si ce ne sera pas un jour le cas pour la Pologne. Parmi les idées régnantes, il en est trois, en effet, de l’action desquelles on pourrait attendre ce rétablissement : l’idée de nationalité, l’idée de gouvernement parlementaire, l’idée d’équilibre européen. A quoi je réponds : 1° Que l’idée de nationalité se résolvant pour les Polonais dans celle du panslavisme, qui leur est aussi chère, au moins, qu’aux Russes, le mouvement n’aboutirait de ce côté qu’à un déplacement du pouvoir central, mais toujours sans distinction de variétés nationales ; — 2° Qu’en ce qui concerne l’établissement des libertés constitutionnelles, les Russes étant d’accord en cela avec les Polonais, toute pensée d’opposition et conséquemment de scission se trouve de nouveau écartée ; — 3° Quant au principe d’équilibre, il est clair que la restauration de la Pologne intéressant beaucoup plus les races latines et germaniques que