Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps anciens, lorsque l’empire germanique jouissait de tout son prestige, comment réussirait-il aujourd’hui, qu’il est devenu l’empire d’Autriche, et que les idées des nations se sont accrues de l’expérience de trois siècles et des principes de la Révolution ?

En deux mots, tandis que le droit public de la France est fondé sur la conquête, c’est-à-dire sur la prépondérance d’une force centrale, qui s’est assimilé successivement par le droit de guerre toutes les forces ambiantes ; le droit public autrichien est fondé sur la mutuelle reconnaissance des forces diverses, qui, devançant la conquête, se sont fédérées pour former l’empire, et conserver le plus qu’elles pourraient de leur autonomie. Au désir de conserver ces antiques priviléges, se joint en ce moment, dans toutes les parties de l’empire, le désir non moins vif d’un régime libéral. Or, il est évident qu’autant, sous le premier point de vue, l’opposition au gouvernement viennois est conservatrice, autant sous le second elle est révolutionnaire[1].


Question allemande. — Elle est absolument la même que la question autrichienne. En Allemagne, comme en Autriche, les peuples demandent tout à la fois, d’un côté,

  1. Ces pages allaient être imprimées, lorsque m’est parvenue la nouvelle du statut impérial qui dote l’Autriche d’une constitution. Autant qu’il est possible d’en juger d’après un extrait de journal, le gouvernement autrichien pourrait se dire aujourd’hui le plus libéral du continent. Il réunit le double avantage du système parlementaire et des libertés provinciales, ou pour mieux dire nationales, revendiquées avec tant d’énergie par les Hongrois. Et je ne serais point étonné qu’un effet de cette constitution fut de donner à l’empire cette force d’unité qu’ambitionnait l’ancien gouvernement Ce que ne pouvait faire un Conseil aulique, organe du pouvoir absolu, les chambres l’accompliront sans difficulté. Mais ce qu’il importe de remarquer ici, c’est que la nouvelle constitution de l’Autriche se présente comme un produit du droit des gens, un pacte entre nations volontairement groupées : ce qui la place, à mon avis, au-dessus de toutes les constitutions existantes.