Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/239

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doivent devenir un jour inutiles. Le droit ecclésiastique ne peut franchir les bornes du droit privé. »


On comprend, sans que je le dise, que ces articles, dont les uns sont rendus odieux à dessein, les autres renouvelés des lieux communs du Contrat social, sont dirigés surtout contre l’Autriche et contre le pape. On a ici un spécimen du génie italien, consommé dans l’art de travestir les idées et de tuer par la calomnie et le ridicule. J’aurais du reste trop beau jeu, si je demandais à M. Mamiani en vertu de quel droitit, de l' ancien ou du nouveau, le gouvernement dont il fait partie réunit sur la tête de Victor-Emmanuel les couronnes de Piémont, de Lombardie, de Toscane et de Naples ; en vertu de quel droit, de l’ancien ou du nouveau, ce même gouvernement a transporté à l’empereur des Français la Savoie et Nice ; en vertu de quel droit, de l’ancien ou du nouveau, il opposait aux interpellations de Garibaldi, relativement à cette cession, la raison d’État. Je pourrais encore prier M. Mamiani de s’expliquer un peu plus clairement sur ces propositions équivoques, dont il est si aise d’abuser : Que ni les peuples ni les princes ne possèdent la justice, et que seuls les plus savants et tes plus vertueux ont le droit de l’exercer ; que les rapports civils s’élargissent ou se resserrent, selon que la nationalité y pousse ; qu’on peut toujours appeler des traités aux principes éternels de la justice, etc. Je passe sur ces misères : nous sommes trop accoutumés aux déclamations, réticences et palinodies jacobiniques pour que rien en ce genre nous étonne.

Ce que je tiens à relever dans l’abrégé en partie double de M. Mamiani, c’est que le droit de la guerre, par suite l’histoire tout entière y sont entièrement méconnus ; c’est que le droit des gens, tel qu’il l’expose, ne reposant plus sur le respect et le droit de la force, sur rien de réel, se réduit à un pur arbitraire ; c’est enfin que, grâce à ce néant de doctrine, il ne s’aperçoit pas qu’il fait le procès à toutes les puissances de l’Europe, en rapportant leur formation à une cause vaine, et qu’il compromet sa propre cause.

L’Italie, qui au moyen âge conduisait le chœur européen, a perdu le sens du mouvement ; elle est pendue à la queue de Robespierre. Elle ne se doute pas que, si Victor-Emmanuel est fondé dans ces annexions qu’il se permet coup sur coup, il ne l’est et ne le peut être qu’en vertu de ce vieux droit européen dénoncé par M. Mamiani, c’est-à-dire en vertu des éternelles lois de la guerre, des principes de Gouvernement constitutionnel dont les traités de Vienne ont commencé l’ère, et de l’équilibre européen, dont il est tant de mode de se moquer.