Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/303

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existe véritablement un droit de la guerre, ce droit a pour objet surtout de régler le combat, d’assurer la loyauté de la lutte et la légitimité de la victoire, en mettant en jeu la totalité des forces physiques, intellectuelles et morales des parties ; en interdisant la perfidie et la fraude ; en proscrivant, sous des peines redoublées, tous les actes que la morale ordinaire réprouve. L’homme qui marche au combat, pour le salut de la patrie, doit s’élever au-dessus de lui-même, non-seulement par l’énergie et la bravoure, mais par la vertu, et devenir presque un saint.

5. Ajoutons, par forme de scolie, qu’il y a tendance chez tous les peuples à resserrer la lutte en une sorte de champ clos, où la force, le courage et le droit trouvent également leur compte. Dans les différends internationaux que la guerre est appelée à vider, il y a presque toujours une bataille, une journée, qui décide du sort des peuples, des dynasties et des gouvernements : Jemmapes, Zurich, Marengo, Austerlitz, Wagram, Leipzig, Waterloo. Voilà ce qu’on peut appeler les duels des nations. Et c’est afin d’en assurer le succès, en même temps d’en diminuer l’horreur, que d’un commun accord les populations se tiennent en dehors des opérations militaires : le duel a lieu exclusivement entre les armées.

Ces principes établis, la première question qui se présente est celle-ci :

Est-ce une guerre légale, telle que le droit de la force la veut, que d’en faire un problème d’escrime et de combinaison ; d’attaquer l’ennemi par embuscade et stratagème ; de le diviser par des mouvements feints, puis de tomber sur lui à l’improviste et de le détruire en détail ; de paralyser ses moyens en dévastant par des courses son territoire, brûlant ses habitations et ses magasins, capturant ses vaisseaux ; enfin, de substituer, autant que faire se peut, l’adresse à la force, la science des armes au cou-