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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/77

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la même manière entre les nations. Et qui oserait anticiper le jour marqué par la destinée pour cette grande réforme ? Qui pourrait nous garantir que le jour où la paix aurait été, par une force arbitraire et une combinaison artificielle, signée et consolidée entre les puissances, la guerre ne ressusciterait pas plus ardente, plus acharnée, et sans doute moins chevaleresque, entre les personnes ?

Concluons donc, avec les mystiques Ancillon, de Maistre, Portalis, avec le matérialiste Hobbes, mais au nom d’une raison supérieure à laquelle ni le mysticisme ni le matérialisme ne sauraient atteindre, que la guerre, sous une forme ou sous une autre, est essentielle à notre humanité ; qu’elle en est une condition vitale, morale ; que, sauf les modifications qu’y introduit, quant à la matière et à la forme, le progrès des sciences et des mœurs, elle appartient à la civilisation autant qu’à la barbarie ; et qu’à tous ces points de vue elle est la manifestation la plus grandiose de notre vie individuelle et sociale. Force, bravoure, vertu, héroïsme, sacrifice des biens, de la liberté, de la vie, de ce qui est plus précieux même que la vie, les joies de l’amour et de la famille, le repos conquis par le travail, les honneurs du génie et de la cité, voilà ce que la guerre fait apparaître en nous, et à quelle sublimité de vertu elle nous appelle.