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« La guerre, c’est le meurtre ; la guerre, c’est le vol.

» C’est le meurtre, c’est le vol, enseignés et commandés aux peuples par leurs gouvernements.

» C’est le meurtre, c’est le vol, acclamés, blasonnés, dignifiés, couronnés.

» C’est le meurtre, c’est le vol, moins le châtiment et la honte, plus l’impunité et la gloire.

» C’est le meurtre, c’est le vol, soustraits à l’échafaud par l’arc de triomphe.

» C’est l’inconséquence légale, car c’est la société ordonnant ce qu’elle défend, et défendant ce qu’elle ordonne ; récompensant ce qu’elle punit, et punissant ce qu’elle récompense ; glorifiant ce qu’elle flétrit, et flétrissant ce qu’elle glorifie : le fait étant le même, le nom seul étant différent[1]. »

Comme au temps de la naissance du Christ, un tiède zéphyr court sur l’humanité, pax hominibus. Au congrès de la paix tenu à Paris en 1849, MM. l’abbé de Guerry et le pasteur A. Coquerel se donnent la main, symbole des deux églises, la catholique et la réformée, opérant leur réconciliation dans un commun anathème à la guerre. Une vie de richesse et de félicité sans fin semble s’ouvrir ; par quelle fatale influence est-elle devenue une ère de trouble et de discorde ?

Ce qui a compromis la paix de Vienne, c’est la paix elle-même, je veux dire les idées qu’elle exprimait, et qui toutes peuvent se ramener à un terme unique, l’établissement des monarchies constitutionnelles. Comme éléments et comme symptômes d’une conflagration future, notez déjà, dans les quarante-cinq années écoulées depuis les traités de Vienne, le carbonarisme italien, le libéralisme des quinze ans, le doctrinarisme, le socialisme, sortis de la révolution

  1. Émile de Girardin, le Désarmement européen.