Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/114

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mille mètres de profondeur. La lumière, la chaleur, l’air et la pluie nous sont mesurés sans doute en suffisance, mais aussi sans excès, on dirait même avec une certaine parcimonie. Dans l’économie du globe, le moindre écart, en plus ou en moins, produit du désordre. La même loi régit les animaux et les plantes. La durée normale de la vie humaine ne dépasse guère soixante et dix ans. Le bœuf met six ans à prendre son accroissement ; le mouton, deux ans ; l’huître, trois ans. Un peuplier de trente-cinq centimètres de diamètre n’a pas moins de vingt-cinq ans ; un chêne de même grosseur, cent ans. Le blé, et la plupart des plantes que nous cultivons pour notre nourriture, viennent en une saison. Dans toute la zone tempérée, la meilleure du globe, on ne fait guère chaque année qu’une récolte ; et que d’espaces, sur la partie solide de la planète, incultivables, inhabités !

Quant à l’homme, gérant et usufruitier de ce domaine, sa force musculaire n’atteint pas, en moyenne, la dixième partie d’un cheval-vapeur. Il ne peut pas, sans s’épuiser, fournir chaque jour plus de dix heures de travail effectif, ni par année plus de trois cents journées. Il ne peut pas rester un jour sans prendre de nourriture ; il ne pourrait pas se réduire à la moitié de sa ration. Dans les commencements, alors que l’espèce humaine était clair-semée sur le globe, la nature fournissait sans peine à ses besoins. C’était l’âge d’or, âge d’abondance et de paix, pleuré par les poètes, depuis que, l’humanité croissant et multipliant, la nécessité du travail s’est fait de plus en plus sentir et que la disette a engendré la discorde. Maintenant la population excède de beaucoup, sous tous les climats, les ressources naturelles, et l’on peut dire en toute vérité que, dans l’âge de civilisation où il est entré depuis un temps immémorial, l’homme ne subsiste que de ce qu’il arrache à la terre par un labeur opiniâtre, In sudore vultus tui