Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/189

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et l’eau-de-vie, qui lui sont bien autrement nécessaires ; en attendant, nous augmentons de 40 millions notre compte de capital, ce qui n’est pas précisément la même chose qu’augmenter notre richesse. Puis quand nous serons en mesure de soutenir la concurrence des Anglais nous ne serons pas encore pour cela plus riches, puisque la valeur des nouveaux produits devra toujours se régler d’après le prix des subsistances, et que si le prix des subsistances diminue, la population augmente.

Certes, il est bien que les nations se poussent les unes les autres : mais ici comme tout à l’heure il y avait une mesure à suivre ; il ne fallait surtout pas s’imaginer que l’application du libre échange pût nous apporter la richesse, comme une manne du ciel. Le peuple français apprendra quelque jour, par une douloureuse expérience, ce que c’est que de travailler pour l’exportation et de se fermer, par une mauvaise répartition des services et produits, son véritable marché, qui est lui-même.

Une idée professée par le gouvernement impérial et adoptée par le Corps législatif, c’est que « le développement de la prospérité publique a pour conséquence nécessaire le renchérissement des choses indispensables à la vie. » Alors, pourquoi ce traité de commerce, dont le but est au contraire de réduire le prix des choses ?… Mais la critique aurait ici trop beau jeu. J’aime mieux reprendre pour mon compte la pensée impériale, et dire, mais dans un sens plus élevé : Oui, l’homme devant consommer pour vivre, produire par le travail sa consommation, et perfectionner son être au physique et au moral, par conséquent travailler toujours mieux et toujours plus, il est vrai de dire que plus il avance dans la civilisation, plus les choses indispensables à la vie exigent de travail et deviennent coûteuses, plus par conséquent il importe à la société que la répartition des services et des produits se fasse d’une