Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/41

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sur elle droit de vie et de mort. » Le christianisme, il est vrai, nous a rendus moins sanguinaires ; il a de plus aboli l’esclavage. Mais qu’on ne s’abuse pas : le principe invoqué par Bossuet subsiste toujours. Toujours le vainqueur peut s’y référer, et s’il y déroge, s’il s’abstient de verser le sang ou de réduire le vaincu en servitude, ce n’est qu’à la faveur d’une sorte de fiction de morale chrétienne, qui engage sa dévotion ou son amour-propre.

Il en est du prisonnier comme de la prisonnière. En principe, je parle d’après Bossuet, le prisonnier, s’il n’est mis à mort, est voué au service du vainqueur, la prisonnière à ses plaisirs. Ce n’est que par des considérations d’un autre ordre qu’ils y échappent. De même que nous avons vu le droit moderne de la guerre arriver, par la fiction d’un péché d’incontinence, à la réprobation du viol ; c’est par la fiction d’une fraternité religieuse attachée au baptême que l’esclavage est aboli, et par une autre fiction encore, celle de la courtoisie chevaleresque, que l’on s’abstient généralement de massacrer les prisonniers. Sauf ces adoucissements, on agit comme du passé. Si l’on ne réduit pas les prisonniers en esclavage, on les met à rançon, ce qui est exactement la même chose, ou bien on les emploie aux travaux publics. Le cas échéant on en fait un échange ; au besoin, pour peu que la sécurité le commande, on les massacre. La philanthropie gémit ensuite de ces extrémités, mais elle n’ose les flétrir. Que répondre à des gens qui ont pour eux les principes, et qui invoquent le salut public ?

Il faut en finir, par une réfutation en règle, avec ces monstruosités qui ont coûté la vie à des centaines de millions d’hommes.

Le droit de vie et de mort, attribué au vainqueur sur la personne du vaincu, me semble provenir théoriquement de deux sources, abstraction faite de la barbarie primitive,