Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/46

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fait de la force, je réponds : Oui, il faut que les parties militantes agissent de tous leurs moyens, qu’elles déploient toutes leurs forces, précisément parce que la victoire est due au plus fort, ce qui pourrait n’avoir pas lieu, si la bataille était limitée à deux fractions égales des puissances en conflit. Il est évident, en effet, qu’une pareille manière de guerroyer serait toute à l’avantage de la puissance la plus faible, les champions étant supposés de part et d’autre d’une valeur individuelle égale.

Terminons ce chapitre. A mesure que nous avançons dans cette critique, une chose doit apparaître de plus en plus à l’esprit du lecteur, résultant des contradictions mêmes qui obscurcissent toute cette matière :

C’est que le droit de la guerre est un droit positif, la raison de la force une raison positive, applicables à un certain ordre de faits et d’idées avec la même certitude que le droit du travail est applicable aux choses de la production et de l’échange, le droit du talent aux choses de l’art, le droit d’amour aux choses du mariage, etc. ; — c’est que le droit de la guerre, cette raison de la force, si profondément méconnue par les juristes, la multitude la sent, les armées l’affirment, la civilisation en relève, le progrès en réclame la codification ; — c’est que, s’il est incontestable qu’il y ait eu depuis trois mille ans une amélioration dans les us et coutumes de la guerre, on ne peut nier que le droit même de la force se soit obscurci, en raison du développement des droits dont il ouvre la série ; — c’est enfin que le meilleur moyen de parer aux calamités de la guerre, en supposant sa continuation, consiste précisément dans la reconnaissance du droit de la force.