C’est surtout de l’invention de la poudre à canon et de la prépondérance de plus en plus décisive de l’arme à feu sur l’arme blanche que date ce que j’appellerai la dépravation des batailles. Mais, chose à noter, l’emploi de l’artillerie, après avoir suggéré l’idée de ces chocs écrasants, paraît tendre aujourd’hui, par le perfectionnement des armes, à rendre la rencontre des masses impossible. Un peu plus de portée, de rapidité et de précision dans le tir, il n’en faut pas davantage pour amener dans la tactique une nouvelle révolution, qui certes ne sera pas à l’honneur du soldat.
Un autre inconvénient de l’artillerie est d’avoir, comme l’a remarqué Ancillon, rendu les guerres plus dispendieuses sans les rendre plus rares. La dépense de matériel à la guerre a été toujours en croissant depuis l’invention des
d’une supérieure, puisque ce serait nier le droit même de la force. Ce n’est pas par conséquent d’avoir, ayant affaire à des adversaires incapables mais supérieurs en nombre, cherché à les diviser afin de battre en détail ceux qu’il n’eut pu défaire en bloc, bien que la victoire obtenue en pareil cas fut équivoque et peu sûre : tout châtiment infligea la force présomptueuse et inintelligente est mérité, par conséquent conforme au droit de la guerre. Le reproche que je fais à Napoléon, c’est, en appliquant le principe de la collectivité des forces, d’avoir assimilé un corps d’armée à une masse de matière, et d’avoir cherché à terrasser l’ennemi plutôt sous la chute des bataillons, que pur l’action coordonnée des hommes. C’est, eu un mot, d’avoir confondu la force de collectivité avec celle de la pesanteur. Je dis que cette manière d’appliquer le dicton populaire de 93, En masse sur l’ennemi, n’est plus de la vraie tactique, que ce n’est pas ainsi que doit opérer la force humaine, et que ce matérialisme ne peut avoir d’autre résultat que de dépraver la guerre, d’abrutir le soldat et par suite de fausser la civilisation.
Je n’en dirai pas davantage. La distinction, très-facile à saisir, que je fais entre la force de collectivité propre à un groupe d’hommes et celle propre à une masse de matière brute, entre une action coordonnée et celle obtenue par la gravitation, doit éclairer les militaires. C’est à eux qu’il appartient, après s’être pénétrés du DROIT de la guerre, d’en déterminer la tactique, à peine de déshonorer leur profession et de soulever contre eux-mêmes l’horreur de l’humanité, et tôt ou tard celle de leurs propres soldats.