gens, lequel enfin n’ayant d’autre sanction que la guerre, par le fait n’existe pas. Voilà ce qu’affirment les hommes du droit, et nous ne devons pas oublier que cette assertion, si elle est vraie, nous laisse sans espoir.
Ainsi, après avoir reconnu, défini, analysé l’élément moral qui pénètre et remplit la guerre ; après avoir fait la théorie de cet élément et en avoir développé les lois, nous venons de reconnaître, dans cette même guerre, la présence d’un élément opposé, bestial. Il n’y a pas seulement, dans la guerre, de la religion, du droit, de la poésie, de l’héroïsme et de l’enthousiasme ; il s’y mêle, à dose au moins égale, de la colère, de la haine, de la perfidie, une soif de butin inextinguible et la plus grossière impudicité. La guerre se présente à nous sous une double face : la face de l’archange et la face du démon. Là est le secret de l’horreur qu’elle inspire ; et cette horreur, il faut l’avouer, est aussi légitime que l’admiration que nous avait d’abord inspirée son héroïsme.
Une question surgit donc : D’où vient à la guerre ce dualisme ? En termes plus simples, et pour rester dans les considérations de pure pratique, qu’est-ce qui produit entre l’idée de la guerre et son application ce désaccord étrange ? Comment, à travers quarante siècles de civilisation, cette anomalie a-t-elle pu se maintenir, s’aggraver même ? La guerre empirerait-elle par hasard, en raison du progrès de l’humanité ? Serait-elle radicalement irréformable ? Est-ce un phénomène exceptionnel, dont la loi est de ne se pouvoir produire conformément à son idée, que dis-je ? dont l’idée va s’obscurcissant de plus en plus, comme il résulte de la lecture des publicistes ? La guerre est-elle une création, une forme condamnée dès l’origine, par conséquent toujours manquée et que rien ne saurait rendre meilleure ? Quelle serait alors la cause de cette anomalie sans exemple ? Quelle en serait la signification ?