Page:Proudhon - La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre.djvu/170

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cice régulier des libertés publiques : il n’en veut pas. Ce qu’il veut, c’est de régner seul, et à sa manière. La France ne lui est point de conseil ni d’autorité : elle lui sert d’instrument. Or, comme il ne saurait avoir de valeur, en tant qu’homme d’état, qu’à la condition de se faire le ministre des destinées publiques, et d’agir sous le couvert de la volonté nationale loyalement représentée, il est inévitable qu’il se perde et nous perde avec lui. Ses talents militaires, ses facultés puissantes, lui serviront à prolonger contre la nécessité une lutte inutile. Mais plus, dans cette lutte, il déploiera d’héroïsme, plus sa folie sera gigantesque : si bien qu’enfin en le voyant acculé à l’absurde, on se demandera si la vie de cet homme, dépourvue de conscience, est autre chose que le somnambulisme d’Alexandre ou de César. Ainsi nous sommes livrés à la fantaisie d’un soldat de fortune, invincible quand il est l’homme de son pays, insensé quand il n’écoute que son orgueil. »

Et maintenant, voyons l’histoire.

D’abord, Bonaparte sent à merveille combien, après sa fuite de l’armée d’Egypte et son usurpation du pouvoir, il a besoin de se faire absoudre. Le but de l’expédition manqué par la destruction de la flotte à Aboukir et la levée du siège de Jaffa, son devoir était tracé par ses propres paroles : c’était de revenir, grand comme les anciens ! De quel droit abandonnait-il ses soldats sur une plage lointaine ? De quel droit son ambition, trompée dans ses calculs, et n’ayant plus rien à faire en Egypte, s’en venait-elle, solitaire, se charger du destin de la république ? Si le Directoire eût fait