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petite ni grande, sur Dieu, le monde et l’humanité. Plus de religions dogmatiques, de constitutions gouvernementales, d’organisations industrielles ; plus d’utopies, ni sur la terre, ni dans le ciel. La conscience, la liberté et le travail, de même que la raison, ne souffrent ni autorité, ni protocole. Il implique que la raison se préjuge elle-même dans un à priori, cet à priori fût-il son ouvrage : elle ne serait plus raison ; — que la conscience reçoive son critérium d’une source étrangère : elle ne serait plus conscience ; — que la liberté se subordonne à un ordre préétabli : elle ne serait plus liberté, elle serait servitude ; — que le travail se laisse atteler dans un organisme prétendu supérieur : il ne serait plus travail, il serait machine.

Ni la conscience, ni la raison, ni la liberté, ni le travail, forces pures, facultés premières et créatrices, ne peuvent, sans périr, être mécanisées, faire partie intégrante ou constituante d’un sujet ou objet quelconque : elles sont, par nature, sans système et hors série. C’est en elles-mêmes qu’est leur raison d’être, c’est dans leurs œuvres qu’elles doivent trouver leur raison d’agir. En cela consiste la personne humaine, personne sacrée, qui apparaît dans sa plénitude et rayonne de toute sa gloire à l’instant où, rejetant bien loin tout sentiment de crainte, tout préjugé, toute subordination, toute participation, elle peut dire avec Descartes, Cogito ergo sum ; je pense, je suis souveraine, je suis Dieu[1] !…

  1. On trouvera cette théorie du progrès développée plus au long dans un opuscule qui paraîtra incessamment.