tout en reconnaissant le caractère pacifique qu’il s’efforçait d’imprimer à la manifestation, j’eusse préféré, pour l’honneur de son intelligence et la moralité de sa situation, le voir entrer hardiment dans la politique de Blanqui, au lieu de la contrecarrer sans cesse par une sourde et mesquine hostilité. Tout l’y invitait, tout l’excusait. Au point de vue de l’ancienne opposition dynastique, qui avait provoqué la Révolution de février, comme du parti républicain, qui l’avait si hardiment exécutée, Louis Blanc pouvait tout entreprendre : son droit ne relevait que de sa force. Puisque les hommes que le choix du peuple avait d’abord désignés pour faire partie du gouvernement provisoire n’agissaient pas, rien de plus simple que de les remplacer par d’autres qui agissent : le mandat du 16 avril eût été tout aussi authentique que celui du 25 février. Rester plus longtemps dans le statu quo, c’était trahir la Révolution ; il fallait marcher : à moins d’être absurde, la manifestation du 16 avril ne peut s’interpréter autrement. Et si mes informations ne me trompent, j’ose dire qu’aucun de ceux qui, avec connaissance de cause, y ont pris part, ne me désavouera.
Au reste, si les deux membres du Gouvernement provisoire qui siégeaient au Luxembourg méconnurent le rôle que, bon gré mal gré, leur faisait la manifestation, le peuple ne s’y trompa pas ; ajoutons que le gouvernement et la garde nationale ne s’y trompèrent pas non plus. Le récit que fait Louis Blanc de cette journée, tendant à établir la parfaite innocuité de la manifestation, est par trop naïf, je dirai même par trop injurieux à l’intelligence des démocrates. En quelques heures Paris fut sur pied : tout le monde prenant parti, qui pour la manifestation, qui pour le Gouvernement provisoire. Et cette fois encore ce fut la fraction démocratique opposée à Blanqui et aux communistes, qui donna le signal de la réaction. Tandis que Ledru-Rollin, trompé, assure Louis Blanc, par de faux rapports, mais en réalité