Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/104

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très peu engoué à cette époque et du socialisme et de la politique du Luxembourg, faisait battre le rappel, Barbès, au nom du club de la Révolution, dont je faisais partie avec Pierre Leroux, et qui siégeait alors en permanence, se rendait auprès du gouvernement pour l’appuyer et lui offrir notre adhésion. Nous ne savions rien au juste de ce qui se passait ; si c’étaient des blancs ou des rouges qui menaçaient la République : dans l’incertitude, nous nous rangions autour du ministre de l’intérieur, comme autour du drapeau de la Révolution. Ledru-Rollin recueillit de ce rappel battu une longue et injuste impopularité ; Barbès, comprenant, mais trop tard, la fatalité de sa position, en versa, dit-on, des pleurs de regret. Mais l’opinion anti-gouvernementale était la plus forte : décidément, le pays ne voulait pas se laisser révolutionner par en haut ; et tandis que Barbès, cédant à des répulsions peut-être trop personnelles, croyait ne résister qu’aux exaltés des clubs, le Bayard de la démocratie était dans les vrais principes : il représentait, contre ses propres inclinations, la pensée intime du peuple. Les gardes nationaux, qui jusqu’à quatre heures avaient ignoré la cause du mouvement, n’eurent que la peine de se montrer pour y mettre fin. Au balcon de l’Hôtel-de-Ville, pendant le défilé, Louis Blanc et Albert furent vus pâles et consternés, au milieu de leurs collègues qui semblaient leur adresser sur leur imprudence les plus vifs reproches. Le soir, le cri de À bas les communistes ! venait témoigner qu’en France le gouvernement est placé vis-à-vis du pays dans les mêmes conditions que Figaro vis-à-vis de la censure : il lui est permis de tout dire et de tout faire, à la condition d’être de l’avis de tout le monde.

Louis Blanc avait eu l’honneur de la réaction du 17 mars ; Ledru-Rollin eut l’honneur de la réaction du 16 avril. Autant le premier avait été fondé à s’opposer à la dictature vraie ou supposée de Blanqui, autant le second l’était dans